Financement public de l’expansion urbaine

Le projet de loi 61, déposé le 3 juin à l’Assemblée nationale afin d’atténuer les impacts économiques du Covid-19, favorisera une accélération effrénée de l’étalement urbain.

Ce projet prévoit « d’assouplir » et « d’alléger » diverses procédures afin de réaliser au plus vite des projets d’infrastructures. Il suscite de nombreuses réactions et est fustigé par l’opposition, qui parle d’un retour à Duplessis. Alors que les critiques ont soulevé les problèmes d’un interventionnisme gouvernemental excessif et les dangers d’un retour aux comportements corrompus et collusoires mis en évidence par la Commission Charbonneau, l’impact sur l’aménagement du territoire et l’étalement urbain est passé largement inaperçu.

Le PL propose de résoudre la crise de la construction décrétée en lançant précipitamment les « jugements » avant même d’avoir en main toutes les autorisations requises par la loi. C’est une occasion manquée de corriger les tentatives de mieux contrôler l’étalement urbain.

Professeures à l’ENAP, nous avons récemment déposé un rapport de recherche auprès de Transition énergétique Québec qui démontre que Québec et les municipalités négligentes de mettre en place les mesures de financement des infrastructures publiques et privées pour assurer un développement durable et équitable des milieux de la vie. Le PL 61 aggrave encore la situation.

Développement privé, argent public

L’étalement urbain continue de ronger les meilleures terres agricoles malgré la loi de protection. Il fournit des projets de construction en périphérie des centres urbains et des communautés métropolitaines et oblige les contribuables à construire à grands frais de nouvelles infrastructures publiques (routes et écoles). Pendant ce temps, les centres urbains se rétrécissent. Avec l’impact du Covid-19 et la découverte du télétravail, non seulement le secteur résidentiel des villes sera touché, mais les espaces de bureaux et d’activités situés au cœur de nos villes seront les plus touchés.

Au lieu de profiter de l’opportunité offerte par la crise sanitaire pour rétablir un meilleur équilibre dans les processus de localisation et de financement du développement, le PL risque d’accélérer le drainage des villes vers les banlieues. En effet, les investissements publics dans les autoroutes ou les trains de banlieue accompagnés de grands stationnements incitatifs pour entrer et sortir plus rapidement des villes représentent une subvention directe à l’étalement urbain.

Les zones humides protégées et les habitats fauniques en souffriront. Une infrastructure publique ne vient jamais seule. Sous forme de routes, d’écoles, d’établissements sociaux de santé ou de transports en commun, ces infrastructures servent essentiellement de cadre structurant au développement privé du territoire. Il est juste et équitable que le développement privé contribue et progresse vers un aménagement durable du territoire. La PL 61 enterre clairement ces principes.

Les dépenses publiques doivent être utilisées pour guider le développement dans l’intérêt public et non pour soutenir aveuglément le développement tiré par la spéculation immobilière. Cependant, le Québec tarde à s’adapter à cette logique et continue de soutenir un développement privé rentable contre l’intérêt public.

Le PL 61 ne fera qu’accélérer, pour reprendre ses propres termes, ce mouvement néfaste pour le développement durable (il utilise 17 fois le terme d’accélération). La simple annexion de grands projets de transport en commun, ou de certains projets situés au centre des villes, ne doit pas être utilisée comme un aveuglement aux effets d’un développement ciblé le long du réseau autoroutier. Cependant, la redevance de transport du REM aurait dû inspirer le gouvernement à financer de futurs grands projets de transport.

Le drapeau rouge de l’expansion a été levé

Rappelons que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a alerté la population par une brève note de recherche à l’hiver 2020 démontrant que le développement de maisons unifamiliales était en plein essor autour de la CMM.

Les développements « étendus » et démontrés des deux communautés métropolitaines du Québec, Montréal et Québec, sont stimulés par le financement des infrastructures publiques telles que les écoles, les CHSLD, les résidences pour personnes âgées, les routes et autoroutes, et peut-être les réseaux de transport en commun qui traversent les terres agricoles. De plus, à compter du 1er juillet, l’obligation des municipalités de céder gratuitement, à la demande d’un centre de services scolaire (successeur des commissions scolaires éteintes), le terrain nécessaire à la construction ou à l’agrandissement des écoles prévu au PL 61.

Le projet de loi 61 servira à accélérer un développement qui ignore les schémas de développement métropolitain et les schémas des MRC.

Le projet de loi 61 touche la mauvaise cible

Face à une crise climatique bien réelle et aux enseignements du Covid-19 sur les habitudes de transport, il est urgent de s’interroger sur la pertinence des projets d’extension routière et de réfléchir à la localisation des projets scolaires et des EHPAD, qui doivent être accessibles par d’autres moyens. que la voiture.

On s’interroge sur la relative inaction des municipalités quant à l’exercice de certains pouvoirs dont elles sont dotées pour remplir leurs devoirs de développement durable. Il en va de même pour la réticence du Québec à mettre en place un système de financement adéquat des écoles par un mécanisme de paiement statutaire, comme l’Ontario et la Colombie-Britannique le font depuis longtemps et qui nécessite la contribution des nouveaux complexes résidentiels. à la construction des écoles nécessaires à l’arrivée des familles.

Le prolongement du REM se fera par les meilleures terres agricoles du Québec, comme le soulignait le rapport 2016 du BAPE. Les zones humides, bien que reconnues comme des infrastructures vertes au service de l’environnement, seront monétisées. Le développement immobilier sera aveugle. Et sans mesures de protection, le projet de loi 61 reporte sine die la résolution du problème de l’étalement urbain.

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